mardi 14 novembre 2017

681 - peut(-)être un journal







Mon ami Erik travaille à un livre nôtre.

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Je gratouille mon front avec mon stylo, sans arrières pensées.

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FAIRE SIEN ( maître mot ? )

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Vivre dans une société où chaque individu est invité à porter son existence comme si celle-ci était le début et la fin de toutes choses implique une hygiène mentale rigoureuse faite de luttes, de convivialité, de lectures et d'amour, d'amitié, de collectif et d'art; cette santé mentale pourquoi faire? Plonger dans le réel de notre temps, s'en saisir à la mesure de nos moyens, le restituer au travers d'une forme esthétique?

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La veuve Mc Farlane

J'étais la veuve McFarlane,
La tisserande du village.
Je vous plains, vous qui oeuvrez encore
     sur le métier de la vie,
Chantant au rythme de la navette
Et contemplant avec amour le fruit de votre travail,
A la pensée de la haine et de la vérité fatidique
     qui vous guettent.
Car l'étoffe de la vie se tisse, figurez-vous,
Selon un canevas dissimulé derrière l'ouvrage...
Un canevas invisible à vos yeux!
Alors que vous chantez et tissez avec ardeur,
Réservant les fils d'amour et d'amitié
Aux nobles dessins de pourpre et d'or,
D'autres yeux ont depuis longtemps découvert
Que vous avez réalisé un tissu blanc comme lune.
Mais vous riez encore, forte des couleurs de l'amour et
     de la beauté
Que l'espoir y projette.
Soudain le métier s'arrête! L'ouvrage est terminé!
Vous êtes seul dans la pièce. C'est un linceul
     que vous avez tissé!
Il se referme sur vous et votre haine!

Edgar Lee Masters
Spoon River
Editions Allia

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La tristesse que devrait me procurer l'extinction de masse des espèces animales, je ne la ressens pas. Je crois qu'elle me travaille en sous-main. Je n'en ai qu'une connaissance approximative, je la devine comme on perçoit une silhouette par intermittence dans le fond d'une nuit que balaie une lumière clignotante. Cette tristesse, je crois que c'est à l'expression d'icelle qu'il s'agit de travailler. Cette impuissance émotionnelle mienne - je ne crois pas être le seul infirme dans ce cas - c'est à la juguler que je désire m'attacher.
Ne pourrait-on pas raisonnablement émettre l'hypothèse que la dépression généralisée contre laquelle s'agitent bon nombre de mes contemporains trouve, à terme, une cause dans la destruction de notre environnement?

Et puis, cette perspective ressentie d'un anéantissement de l'espèce humaine, pour exagérée qu'elle soit sans doute, comment l'articuler à un usage quotidien de l'existence? Comment être père à l'aune d'une telle réalité dont il est si difficile de démêler les parts du fantasme, du possible et du certain?

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j'ai voulu vivre même dans la vie morte

M.E.R.E, balise N.

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Je confesse ma joie.
Ce partage du quotidien avec une femme, il est l'occasion inouïe de pratiquer ce qu'être au monde induit: se risquer à éprouver jusqu'au for intérieur la dépendance à une autre - cet attachement radical à la personne aimée, selon lequel je ne suis qu'un bout de moi-même hors de la relation amoureuse (cela ne signifie pas que je ne peux être pleinement dans la solitude, cela implique que je suis mutilé dès lors que mon ancrage dans cette relation est défait). Ainsi, il suffit que l'être aimée me dédaigne, ne serait-ce qu'un instant, pour que la raison d'être perde sa consistance. En retour, il m'appartient de reconnaître, fort de cette expérience malheureuse, que la moindre désolidarisation de mon fait touchera aussitôt la personne aimée jusqu'à l'essentiel d'elle-même. Le présent magnifique de la relation amoureuse, c'est précisément cette fragilité, cette hypersensibilité à la qualité de la présence de l'autre aimée. Le présent, c'est mon impuissance à me tenir par moi-même.
Persévérer dans le risque permanent de s'effondrer, c'est vivre précisément. Je ne sais si c'est vivre plus fort, plus intensément, je ne sais si c'est vivre mieux ou plus en vérité. Ce qui me semble indiscutable, c'est que vivre ainsi, à découvert, donne une valeur à mon existence parce que je m'entraîne à mourir dans l'effort même de vivre.

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c'est l'heure du vent qui sombre
     un moindre arobase
  les dentelures au cœur ont un regard pour l'automne

j|e ne parviens pas à l'eau

   des soirs sont du froissé
une joue amoindrie
           le son lointain du temps

     tu t'assois sur le fauteuil
     il faudrait se dire
     on ne sait

Rque: un moindre arobase? Qu'est-ce? Je ne sais. La main l'a écrit. C'est là. J'acquiesce.

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